C'est l'histoire d'un mec, Malik, condamné à six ans de prison pour un crime dont on ne connaît pas la teneur. Il est Arabe, il a 19 ans, il est seul et analphabète, et débarque dans un monde en vase clos où la violence et la corruption règnent en maître.
Apeuré mais fier, Malik essaye de faire bonne figure face aux menaces, aux coups et aux insultes. Le hasard va le placer entre les griffes du parrain corse de la prison, Cesar Luciani. Pour lui, il va être contraint de tuer un prisonnier, témoin gênant impliquant un de ses amis. Après avoir mis un pied dans l'engrenage, Malik ne va plus pouvoir faire marche arrière. Mais, alors que d'autres auraient pu sombrer, Malik va s'adapter et apprendre. Apprendre les rouages de la vie en prison, apprendre le corse pour pouvoir écouter discrètement et se rapprocher de Luciani, apprendre à magouiller avec les deux clans opposés de la prison, les Arabes et les Corses.
Et c'est à une transformation que l'on assiste, une mutation. Après six années de prison, le petit délinquant apeuré est devenu un caïd respecté. Pour obtenir ce statut il aura dû mentir, humilier, blesser, tuer même, faisant fi de toute morale, mais peu lui importe, elle ne fait pas partie de son vocabulaire.
Jacques Audiard, le fils de..., qui réalise ici son cinquième film, ne juge jamais son héros, qu'il présente comme un anti-Scarface. Il nous raconte juste son ascension, étape par étape, se gardant bien de nous asséner quelconque morale. Il est au-delà du bien et du mal, il est dans la vie, dans la survie même.
Il filme la prison comme rarement auparavant, son cinéma est âpre, dur, rèche, au plus près des visages, au plus près de la tension nerveuse de tous ses personnages, en permanence sur la brèche. Mais il sait aussi faire preuve d'humour et d'ironie, comme lorsque Malik "prophétise" l'apparition d'animaux sur la route, ce qui lui sauvera la vie.
Inconsciemment, on ne peut s'empêcher de se mettre à la place de Malik, d'avoir mal quand il souffre, d'être heureux quand il réussit. L'identification est totale, même si on est complètement différent de lui. L'acteur qui l'incarne, Tahar Rahim, délivre une performance qui restera dans les mémoires. Il crève littéralement l'écran, jouant toutes les situations avec la même justesse, la même intensité. Face à lui, Niels Aristrup est parfait en parrain de pacotille, voyant son empire s'effondrer à mesure que celui de Malik grandit. Entre-eux se crée une relation étrange, subtil mélange de violence et de respect. Et quand enfin, Malik se libère du joug de celui qui le tenait entre ses griffes, lorsqu'il "tue le père", on lit en lui autant de compassion que de revanche. Il est désormais libre de voler de ses propres ailes.
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