mardi 20 avril 2010

Du principe à l'excès de précaution


Nul ne peut l'ignorer, depuis plusieurs jours le ciel d'Europe est bloqué. Des dizaines d'aéroports fermés, des milliers de vol annulés. Bref, le gros bordel, pire qu'après les attentats du 11 septembre 2001. Et tout ça à cause de quoi ? A cause d'un volcan islandais qui s'est mis en rogne juste au moment où le printemps faisait enfin son apparition et où les Français étaient en vacances. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, la SNCF est toujours en grève. C'est donc avec soulagement que j'ai passé mon week-end au boulot, à parler de F1 et de rallye devant mes écrans, de télé et de pc, bien à l'abri de ce tumulte.

Ce chaos dans le ciel est un nouvel exemple du désormais fameux principe de précaution. Depuis que les gouvernements (sang contaminé, amiante) ou les entreprises se retrouvent avec des procès sur le dos, ils n'ont de cesse de vouloir nous protéger, parfois contre notre gré. Ils nous ont déjà fait le coup dernièrement avec la vache folle, la grippe aviaire, ou la grippe A. Cette fois-ci, c'est légèrement différent puisque c'est une catastrophe naturelle qui est à l'origine du phénomène. Mais le résultat est le même : Pour éviter tout risque, on dresse des barrières infranchissables. Afin qu'aucun avion ne s'écrase parce qu'il aurait traversé ce nuage de cendres, on empêche tous les avions de voler. Efficace, évidemment, mais radical et limite tyrannique.

Moralement, ce choix se justifie. Il est en effet légitime de vouloir préserver des vies humaines. Mon frère et mes parents devaient prendre un avion ce week-end, et je suis malgré tout rassuré qu'ils ne l'aient pas pris, ça m'aurait fait chier de me retrouver seul au monde. Economiquement, ce choix se justifie un peu moins. Cette paralysie du ciel pendant plusieurs jours va certainement coûter plus cher aux compagnies que l'éventuel dédommagement des victimes d'un accident (je sais, cet argument est assez cynique). Socialement, ce choix est assez difficile à justifier : il n'y a qu'à voir l'incompréhension et la colère des milliers de passagers bloqués en France ou à l'étranger. Nul doute que va grandir en eux une certaine rancoeur contre les compagnies aériennes et le gouvernement. Dans un climat déjà globalement morose, ce dernier n'avait pas besoin de ça.

Qui plus est, si les premiers jours, tout le monde voulait bien se montrer conciliant, depuis lundi, la polémique enfle : les autorités compétentes auraient agi par excès de précaution plus que par principe. Si chacun reconnaît qu'il était justifié de fermer le ciel lorsque le nuage nous a atteint, beaucoup regrettent le manque de réactivité de ces autorités, qui auraient dû plus vite organiser des vols d'essais pour s'assurer de la dangerosité de ce nuage, et chercher des solutions alternatives afin d'éviter un bloquage total. Dimanche, KLM, une compagnie néerlandaise, a ainsi fait traverser le nuage à un de ses avions sans aucun souci.

Il n'y a pas réellement de morale à cette histoire : il est tellement facile de juger et critiquer à posteriori. Imaginez qu'un avion se soit crashé à cause des cendres du volcan, les réactions auraient été bien plus violentes. Ce qui s'est passé est simplement symbolique de notre société moderne, où l'Etat veut protéger ses citoyens tout en se protégeant soi-même, et où ces citoyens exigent eux de l'Etat qu'il réglemente, dirige, prenne les décisions qui s'imposent quand elles s'imposent, qu'il fasse son boulot en somme, mais pas qu'il les empêche de jouir de leurs libertés individuelles, comme celle de se déplacer, en l'occurrence.

ps : il est également assez ironique de constater que dans notre monde super technologique, un petit volcan situé sur une île perdue presque au bout du monde peut nous clouer au sol, littéralement. Cela pourrait faire l'objet d'un autre billet...

1 commentaire:

altronic a dit…

Pour une fois je suis assez d'accord avec cet "excès" de précaution alors que ça m'horripile d'habitude. Je connais des gens qui sont bien emmerdés avec ce volcan (plus de 300€ de frais d'hôtel par jour). Mais là au moins il n'y a pas de morts. Et ça me plait assez qu'un phénomène naturel remette l'homme à sa juste place. Un volcan s'éveille, un aéroport s'éteint.